L’une des toutes premières mentions historiques de Valognes (Valloniis) apparaît dans une charte du 20 avril 1042, qui recense plusieurs donations faites par le duc Guillaume, le futur Conquérant de l’Angleterre, au profit des moines bénédictins de Cerisy-la-Forêt. L’héritier du duché de Normandie était alors un très jeune garçon, âgé de seulement quinze ans. S’intitulant à la fois « comte » et « duc des normands », il affirmait ainsi de façon neuve son autorité sur le Cotentin.
Ce territoire, éloigné de Rouen, était demeuré antérieurement peu contrôlé par le pouvoir ducal. Il n’est pas improbable que ce genre d’initiative ait en revanche été mal accueillie par les grands seigneurs de la région. Ne voyaient-ils pas leur propre emprise remise en question, par un gamin à peine pubère, et bâtard de surcroît ? Cela aura probablement contribué à mobiliser la noblesse locale au sein du mouvement de révolte parti vers l’an 1046 de l’ouest de la province, dirigé dans notre secteur par Néel de Saint-Sauveur, vicomte du Cotentin. Chacun a gardé en mémoire le célèbre épisode nocturne survenu à Valognes, lorsqu’un fou nommé Golet vint précipitamment alerter le jeune duc, dormant dans le manoir ducal, de la conjuration des barons révoltés. On se souvient des lignes du poète Wace relatant la fuite éperdue de Guillaume, vêtu seulement d’une chemise, fonçant à bride abattue à travers le passage du grand Vey pour échapper à ses poursuivants. La bataille qui fit suite, en donnant la victoire au duc, assure à ce dernier le contrôle complet du territoire. Au cours des années qui suivent il peut ainsi redistribuer les terres du Cotentin au profit de ses fidèles, encourager la fondation de nouveaux châteaux, de bourgs et d’abbayes.
Après la conquête anglaise de 1066, le Cotentin voit affluer de nouvelles richesses et connaît un essor sans précédent. Valognes s’impose comme principal relais routier vers les ports de Barfleur et de Cherbourg et devient ainsi une importante résidence ducale. On y trouve désormais le centre d’administration des grands domaines forestiers de la presqu’île, un lieu d’exercice de la justice, où l’évêque de Coutances implante aussi sa propre résidence. Pour Valognes comme pour le reste de la Normandie, le règne de Guillaume marque une période fondatrice, qui correspond sans doute à celle de son plus grand essor.