Né le 19 septembre 1769 à Gerville-la-Forêt dans une famille de la vieille noblesse cotentine, Gerville émigre en 1792 pour rejoindre les armées du duc de Bourbon. Rapidement démobilisé, il se lie en Angleterre avec plusieurs savants et s’initie auprès d’eux aux sciences naturelles et à l’archéologie. Revenu en Normandie en 1801, il s’établit à Valognes en 1811 et entreprend alors de vastes recherches sur la géologie, la faune et la flore, sur les antiquités romaines et les monuments du Moyen-âge. Menant d’incessantes excursions dans le département de la Manche, il en étudie les églises et les châteaux et fonde sur ce terrain les premières bases méthodologiques de la science archéologique française. Maître du jeune Léopold Delisle, ami et correspondant d’Arcisse de Caumont, il contribue à l’essor des sociétés savantes et diffuse largement par leur intermédiaire le fruit de ses recherches. On suit en particulier à travers ses écrits la formation, puis la diffusion, du qualificatif d’art « roman« , terme devenu universel pour désigner les créations artistiques et littéraires des XIe et XIIe siècles de l’Europe occidentale.
À Valognes, il contribue à l’enrichissement des collections de la Bibliothèque municipale en organisant le dépôt de pièces d’archéologie, dont le célèbre autel mérovingien du Ham. Bien que reconnu de son vivant, et récompensé sous la Restauration de plusieurs distinctions, sa susceptibilité et son tempérament acariâtre l’isolent sur le tard des réseaux savants qu’il avait contribué à développer. Pratiquement aveugle, il meurt à Valognes en 1853, âgé de 83 ans. Bien qu’entachés parfois d’erreurs ou d’inexactitudes, les travaux de Charles de Gerville continuent d’alimenter utilement la recherche historique et l’archéologie contemporaines. Sa méthode, qui croise aussi bien l’étude de terrain, le repérage cartographique, les relevés d’élévation, l’enquête orale et l’approche toponymiques n’a jamais été invalidée.